Relation de la visite de Mirecourt et Dompaire
La journée fut très riche en découvertes et conduite par des guides, non seulement fins connaisseurs de leur domaine mais particulièrement enthousiastes.
Une vraie performance, en particulier pour Mr Rémi Bonnard qui nous a relaté dans les moindres détails, avec les qualités d’analyse historique nécessaires « la plus grande bataille de chars sur le front ouest » de la Seconde guerre mondiale, bataille qui ne dura réellement qu’un jour et demi (12 et 13 septembre 1944) mais fit entre 500 et 1000 morts, côté allemand, contre 43, côté français ; mais surtout, vit la destruction de 65 chars allemands parmi les plus performants sur les 90 que comptait la 112e Panzerbrigade du général von Manteffeul (brigade qui disparut après coup de l’organisation de la Wehrmacht).
Durant deux heures et demie, nous eûmes droit –devant le Monument Leclerc à Madonne et Lemerey, puis sur le haut de Dompaire et enfin dans la salle des fêtes, à une présentation complète des différents régiments composant la 2e DB, engagés dans les combats, du monument Leclerc, et surtout des conditions dans lesquelles s’est déroulé cet affrontement meurtrier, intervenu, pour l’essentiel à travers bois et vergers.
Une bataille engagée un peu par hasard comme il nous l’a rappelé où les deux adversaires ne savaient pas très bien qui et quelles forces se trouvaient en face. Le commandant Massu réussit à la tête du Régiment de Marche du Tchad (RMT) à anéantir la moitié des chars allemands, grâce à l’appui aérien. C’est la nouveauté tactique,[aujourd’hui encore objet d’étude à West Point - USA] qui permit aux Shermans équipant les trois régiments blindés de la 2e DB engagés dans le secteur de Dompaire, de mettre hors de combat des chars bien plus redoutables, avec leur carapace d’acier de 69 mm d’épaisseur comparée aux 25 mm des chars américains.
Notre guide a nourri ses propos de nombreuses anecdotes qui permettent de mieux comprendre le déroulé de la bataille ; trois faits, parmi tant d’autres : les Allemands ont perdu dès les premiers engagements leurs deux chars de commandement, placés en tête de colonne ; une perte irrémédiable car, en arrière, les tankistes ne pouvaient pas communiquer entre eux ; ceux-ci ont eu tendance à fuir comme ils pouvaient à travers champs, vergers, bois, en se faisant repérer par leur uniforme bleu de la Luftwaffe ; c’étaient des adolescents, inexpérimentés placés sous le commandement de soldats plus expérimentés (ils avaient été déplacées rapidement des bases aériennes pour compléter les troupes au sol, alors sur le reculoir depuis le 6 juin).Enfin, pour éviter à l’aviation américaine, venant de Rennes, de pilonner leurs chars , les Français devaient mettre des bâches blanches puis oranges afin d’éviter toute confusion. Mais les Allemands avaient repéré ce petit jeu et opéraient en conséquence.
Le monument Leclerc est un condensé de cet épisode qui mériterait d’être mieux connu, pour un site à (re)découvrir.
Avec Mr Claude, Michel, vice-président des Amis du Vieux Mirecourt Regain, nous fîmes un retour en arrière à travers les rues et le patrimoine insoupçonné pour une petite ville – Mirecourt- d’à peine 5000 hab. Et de commencer par rappeler qu’au Moyen Age, Mirecourt était le chef lieu d’un des trois bailliages du duché de Lorraine ; autant dire que les liaisons avec Nancy et la cour ducale étaient fréquentes, son bailli siégeait souvent sur les bords de la Meurthe, et à l’inverse, une escapade d’aristocrates sur les rives du Madon n’était pas rare.
De plus, notre guide nous rappela la longue tradition industrieuse de la population locale (draperie, tannerie, teinturerie, travail du bois). Mirecourt était aussi une cité marchande qui entretenait des liens avec les villes de la vallée du Rhône et de l’Italie ainsi qu’avec celles du Nord. Aussi n’est-il pas surprenant que, lorsque le violon est introduit en Lorraine à partir de 1550, il trouve à Mirecourt un terrain favorable à sa fabrication (population ouvrière, matières premières, cour ducale); nous sommes alors au XVIIe ; mais l’apogée de la lutherie se place aux XVIIIe (ateliers avec deux ouvriers autour d’un maître) et au XIXe s. où la fabrication artisanale est concurrencée par une véritable industrie (« fabriques » de plus de 100 ouvriers). Tandis qu’à Mirecourt, des milliers d’artisans et ouvriers sont encore alors à l’ouvrage. Malheureusement, les deux guerres mondiales sonnent le glas de l’activité (perte du savoir-faire dans les tranchées en 14, concurrence étrangère après 45) qui ne disparaît pas totalement. Tel un phénix qui renaît de ses cendres, la lutherie est maintenue aujourd’hui par une dizaine de maîtres-artisans ; surtout, Mirecourt, dispose depuis 1970 de la seule Ecole Nationale de la Lutherie.
Ce métier d’art, nous pûmes en cerner tous les contours lors de notre visite au Musée de la lutherie et de l’archèterie : 180 h sont nécessaires pour fabriquer un violon sur mesure.
Dans la ville, les édifices que nous avons pu voir, notamment de l’intérieur (ce qui est parfois impossible sans un guide) sont le témoin de ce passé prospère. Avec beaucoup d’humour, notre guide nous fit parfois un véritable cours pédagogique à propos de l’église de la Nativité-de-Notre-Dame, des Halles du XVIIe s. ou des cours françaises et italiennes d’édifices Renaissance. Nous ne vîmes pas le temps passer et les deux heures prévues parurent bien courtes, même si, sous un ciel bleu, un petit vent du nord très frais, nous piquait le bout des doigts !
Gérard Colotte