Coordonnées

Renaissance du Vieux Metz et des Pays Lorrains
38-48 Rue Saint Bernard

57000 METZ

 

Renaissance du Vieux Metz et des Pays Lorrains
Renaissance du Vieux Metz et desPays Lorrains

Compte-rendu de la visite de Lunéville 24 juin 2024

 

Par un après-midi particulièrement ensoleillé, nous nous réfugiâmes,  pour la  circonstance, dans un musée puis à l’église Saint-Jacques de Lunéville, pour le plus grand bonheur de nos yeux. Les deux visites avaient  pour cadre l’ancienne abbaye Saint-Rémi (aujourd’hui l’église est dédiée à Saint Jacques), totalement reconstruite sous le dernier duc de Lorraine, Stanislas Leszczynski. Nous commençâmes par visiter, au sein de l’ancien hôtel abbatial, l’exposition temporaire consacrée à Richard Mique.  En réalité nous eûmes droit à une double visite simultanée, celle du bâtiment en lui-même, remeublé grâce à des dons et achats de la municipalité, nouveau propriétaire des lieux, et à l’exposition temporaire. 

L’intention de la municipalité de Lunéville est de plonger le visiteur dans l’univers de l’aristocratie  et de la haute bourgeoisie du XVIIIe siècle, tout en respectant la configuration des locaux, tels qu’ils existaient au temps des abbés : de part et d’autre d’un long couloir parcourant tout l’édifice, des pièces en enfilade liées aux activités des abbés (côté Est) et celles dévolues à la vie privée (côté jardins). L’accès à l’étage se fit par un escalier monumental orné d’une grille des ateliers de Jean Lamour. Il était destiné à impressionner les visiteurs de marque de l’abbé.

Les nombreuses acquisitions de la commune mais aussi les prêts de collectionneurs privés du monde entier, nous permirent de nous imaginer les aristocrates en train de travailler, de déjeuner, de dormir, de s’amuser comme ils pouvaient le faire à la fin de l’Ancien Régime. Ce foisonnement d’objets de toutes natures fut agrémenté de pièces en rapport direct avec Richard Mique, architecte des Grands de ce monde, à commencer par Stanislas Leszczynski mais aussi des reines de France (Marie Leszczynska , Marie Antoinette), dont il fut à chaque fois le 1er architecte. On lui doit notamment des pièces emblématiques du Petit Trianon (les jardins mais aussi le Théâtre de la reine, le Pavillon du Rocher, le Temple de l’Amour etc.). R. Mique était cependant un artiste aux multiples facettes, peintre et aussi céramiste (il était propriétaire pour moitié des faïenceries de Saint Clément près de Lunéville). Nous pûmes l’imaginer portant cet habit rouge caractéristique des architectes au XVIIIe siècle,  voir son portrait et à travers de nombreuses gravures, ses réalisations versaillaises. Les reconstitutions mettaient souvent en évidence la place de la nature.

L’exposition foisonnante, les objets présentés étaient nombreux (trop peut-être) nous firent voyager de Lorraine à  Versailles à travers des portraits, la vaisselle, le mobilier, etc., en ne négligeant aucun détail. Nos guides nous expliquèrent par exemple la manière de concevoir les papiers peints (reconstitués pour la circonstance dans des ateliers situés loin de la Lorraine). L’exposition, montée avec le concours de plusieurs parrains comme Alain Barraton, Franck Ferrand, Philippe Séguy ou encore Ivan Thé, responsable du hameau de la reine, célèbre à sa manière le 230e anniversaire de sa mort, survenue tragiquement durant la Terreur le 16 octobre 1793. 

 

 

En traversant la rue, nous nous rendîmes ensuite à l’église Saint-Jacques, spécialement ouverte à notre intention (elle est fermée pour cause de restauration de la façade). Le spectacle de cet édifice baroque fut surprenant. Desservie originellement par des chanoines réguliers, l’église fut entièrement  reconstruite (de 1730 à 1747) et réorientée sur injonction de Stanislas ; elle fut alors déclarée également église paroissiale dédiée à Saint Jacques (l’ancienne église Saint Jacques ayant été détruite sur ordre ducal).  Elle porte une forte empreinte du dernier duc de Lorraine qui a imposé son architecte (E. Héré), ses artistes lorrains (Vallier, Girardet, Mansiaux, Guibal, etc.), ses goûts et références personnelles.  Le duc est présent par des inscriptions qui reconnaissent en lui un bienfaiteur (à la voûte de la croisée du transept), ses armoiries (buffle familial, cavaliers lituaniens, aigles de Pologne), la statue de Saint Jean Népomucène, frère de celui qu’il considérait, à tort, comme son ancêtre, son tombeau, profané à la Révolution (il fut reconstitué au XIXe siècle mais vide, il n’est plus qu’un cénotaphe). On lui doit aussi  toutes les références ornementales à la musique (voir le tambour d’entrée ou les décors de l’orgue). Mais ce qui frappe en entrant dans ce petit édifice, de type halle, de 55 m de long sur 24 m de large pour une hauteur de 20m, c’est la clarté des lieux. Les fenêtres élancées héritées du Moyen Age ont cédé la place à de larges baies vitrées. La teinte « jaune Marie Thérèse » (très répandue dans les édifices d’Europe centrale et orientale)  accentue cette luminosité, à laquelle n’est pas étrangère la nouvelle orientation de l’église (Nord-Sud). Il se dégage enfin une impression de grande sobriété, étonnante pour un édifice baroque : très peu de statues, trois autels discrets (un à l’entrée de la nef et deux dans le transept), une seule peinture murale derrière l’orgue.

Cet orgue est le chef d’œuvre de l’ensemble par son caractère unique : les 3880 tuyaux sont invisibles à l’œil ; ce fut un exploit de réaliser cette prouesse technique que l’on doit à la collaboration de l’architecte, du facteur d’orgue, Nicolas Dupont et du peintre Henri Macoin. Les tuyaux sont cachés dans tous les éléments constituant le buffet, colonnes y compris. Un décor en faux marbre, une omniprésence de la musique, une architecture en trompe l’œil tout comme la peinture de la voûte invitant à porter le regard au loin, vers l’infini ou, comme le disait Voltaire, vers le paradis.  Il y a avait bien d’autres choses à admirer comme la chaire sculptée, dont les scènes représentent les Pères de l’Eglise, mais aussi la plaque tombale de la marquise du Chatelet ou encore le monument aux victimes civils des bombardements allemands de la 1ère guerre mondiale.

 

Gérard Colotte