Visite du Saulnois
La visite du Saulnois se passa par une belle journée ensoleillée et dans un environnement des plus reposants, à Marsal d’abord puis à Vic sur Seille, avant de s’achever, en fin d’après-midi, à l’ancienne gare frontalière de Chambrey. Notre guide, Kévin Goeuriot, bien connu de l’association, professeur d’histoire géographie, médiéviste, auteur de nombreux ouvrages et articles sur l’histoire de la Lorraine, conférencier, passionné par son sujet, sut rapidement captiver le public par une approche très pédagogique du thème ; il garda le souci constant de toujours raccrocher l’histoire des lieux avec la grande histoire, passablement complexe dans cette partie du duché de Lorraine.
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La visite de Marsal comprit deux volets : un volet religieux avec la présentation de la collégiale St Léger et la légende de St Livier et un volet politico-militaire.
K. Goeuriot débuta son propos par un rappel sur la présence et l’exploitation du sel depuis la Préhistoire ; elle fut suivie par la visite de la collégiale Saint-Léger dont l’édifice actuel remonte au début du 13e siècle, en pleine période romane. Il nous a fait comprendre comment l’architecture de l’église était en lien direct avec la nature instable du sous-sol, lui-même conséquence de l’exploitation du sel : reposant sur un briquetage de la Seille (débris de terre cuite résultant de l’exploitation du sel depuis 800 av. J.-C environ), l’édifice dut être fréquemment restauré d’où l’aspect hétéroclite de la façade occidentale et la présence, à l’intérieur, d’un plafond en bois. A l’entrée de la nef, nous vîmes deux gisants, le comte de Salm Jean VIII et sa femme avec, à leurs pieds, un lionceau (ou lévrier), ainsi que, dans une niche murale, deux poupons (une présence très rare dans une église lorraine). La famille de Salm, fondatrice de l’abbaye de Salival, y possédait sa chapelle funéraire.
K. Goeuriot évoqua la légende de Saint Livier, ce chevalier messin, martyr chrétien, qui, refusant de céder face aux Huns d’Attila en abjurant sa foi, fut conduit, après avoir été capturé dans une embuscade, jusqu’au Mont Saint Jean, dominant Marsal, pour y être décapité. La légende rapporte que, tel un céphalophore (il y en aurait eu 4 en Lorraine d’après notre guide), il descendit de la colline, sa tête sous le bras, avant de rendre l’âme ; sa sépulture suscita bien des « miracles » d’où une chapelle dédiée et de nombreux pèlerinages de fidèles cherchant à obtenir des guérisons (ses reliques se trouvent dans la cathédrale de Metz, après bien des pérégrinations).
Du fait de l’exploitation du sel, ressource très précieuse en ces temps reculés, Marsal devint vite un enjeu géopolitique entre les Puissants (Évêques de Metz, Ducs de Lorraine, Rois de France) ; c’est ce second volet que K. Goeuriot développa en nous présentant, à travers l’histoire des incessants conflits qui jalonnent les siècles (surtout le XVIIe siècle) entraînant prise et reprise de la cité (3 fois dans la seule année 1652), les vestiges des fortifications à la Vauban en forme étoilée ; en réalité, celles-ci avaient été érigées un siècle avant lui (fin XVIe s.) sous l’influence d’ingénieurs italiens et elles remplacèrent alors l’ancien rempart médiéval, construit tout en hauteur. Nous vîmes notamment la Porte de France et une poterne dans un épais rempart. Marsal eut à subir un siège lors du conflit de 1870, qui ne dura que 3 jours, en raison de l’obsolescence des fortifications face à l’artillerie prussienne. Le cimetière du village présente la particularité de contenir des tombes de soldats tombés lors de la guerre de Sept ans (1756-1763) ou lors de la guerre d’Indépendance des États Unis (1776-1783).
La visite du Saulnois se passa par une belle journée ensoleillée et dans un environnement des plus reposants, à Marsal d’abord puis à Vic sur Seille, avant de s’achever, en fin d’après-midi, à l’ancienne gare frontalière de Chambrey. Notre guide, Kévin Goeuriot, bien connu de l’association, professeur d’histoire géographie, médiéviste, auteur de nombreux ouvrages et articles sur l’histoire de la Lorraine, conférencier, passionné par son sujet, sut rapidement captiver le public par une approche très pédagogique du thème ; il garda le souci constant de toujours raccrocher l’histoire des lieux avec la grande histoire, passablement complexe dans cette partie du duché de Lorraine.
la cité de Vic sur Seille, fort ancienne, entra sur le devant de la scène en 1234, lorsque l’évêque de Metz (Jean Ier d’Apremont) fut chassé de sa cité par les bourgeois des Pareiges messins qui y instaurèrent ce que l’on appelle la République messine (elle dura jusqu’en 1552). Bien que protégé dans un château construit par l’évêque Bertram en 1180 et dont il ne reste que la porte d’entrée, flanquée de deux tours rondes, la cité passe graduellement, au cours des siècles, sous le contrôle des ducs de Lorraine, d’autant que la petite ville ne fut jamais fortifiée. K. Goeuriot s’est attaché à nous montrer quelques petites pépites architecturales comme l’hôtel des Monnaies, censé avoir abrité l’atelier monétaire des évêques mais qu’aucun document ne permet de confirmer ; cette magnifique demeure du XVe siècle, allie, dans la structure des fenêtres et portes, une curieuse association de formes issues du gothique tardif et de la Renaissance. Sur la façade principale, la date de 1908 rappelle la restauration à laquelle les Allemands ont procédé afin de montrer qu’ils entendaient préserver le patrimoine d’origine française. Après le déjeuner, K. Goeuriot nous a conduit à l’église de Saint Marien, au sujet duquel on ne sait pas grand-chose ; par contre, la petite porte latérale qui s’ouvrait vers le cimetière est surmontée d’un linteau tout à fait remarquable avec deux registres sculptés : sur le registre supérieur, on aperçoit un ermite (St Marien ?) face à deux ours et 5 chevaliers priant ; sur le registre inférieur plusieurs scènes avec un clerc en robe de bure, des flammes jaillissant du sol, un baptême ; s’agissait-il d’une transcription figurée de ce que fut la vie de Saint Marien ? Notre guide est resté très prudent sur l’interprétation. L’intérieur, sobre, est orné d’une statuaire intéressante ; son plafond de bois a remplacé en 1741, une voûte d’ogive menaçant ruine. K Goeuriot a rappelé qu’à Vic sur Seille aussi, le sol était instable ; pour conforter ses dires, nous avons pu voir une vieille demeure dont le mur, côté rue, présente des inclinaisons dans tous les sens !
Une visite à Vic ne peut se terminer sans évoquer Georges de la Tour. Nous ne visitâmes pas le musée (il ne recèle que deux tableaux du peintre) à son nom mais K. Goeuriot rappela ce que fut la vie et l’œuvre de ce grand artiste du début du XVIIe siècle, contemporain de Jacques Callot.
Au cours de la visite de la cité, K. Goeuriot se plut à rappeler l’origine de quelques expressions populaires telles que « trier sur le volet » (abaisser la rabattant d’une échoppe afin d’exposer la marchandise à vendre) ou encore, « passer par la petite porte » pour les cercueils sortant d’une église, et bien entendu, « si tu veux faire ripaille, il faut qu’à Vic tu ailles ».
Pour clore la journée, le groupe s’est dirigé à quelques kilomètres de là à l’ancienne gare de Chambrey, témoin de l’ancienne frontière entre l’Empire allemand et la France ; la fermeture progressive de la ligne Nancy-Sarreguemines a entraîné son obsolescence. La gare est fermée en 1975, rachetée par la commune, elle est alors transformée en salle des fêtes. L’occasion fut donnée à notre guide de situer cette gare dans le contexte plus général du conflit franco-prussien : conçue en 1868 dans le cadre de la réalisation de la ligne de Nancy à Sarreguemines, il fut décidé de construire une gare modeste, gare intermédiaire sur la ligne en construction ; la réalisation ne devint effective qu’en 1873, deux ans après l’Annexion ; la nouvelle frontière modifia sa situation ; construite en pierre de Jaumont, elle fut un outil de propagande qui devait illustrer la création du nouvel Empire : une imposante tour de l’horloge où logeait le chef de gare, un grand bâtiment mais aussi deux vastes quais couverts par une verrière, aujourd’hui totalement disparue. Il fallait ajouter tout un quartier occupé par des employés allemands (douane, poste, ateliers, entrepôts). Puis le groupe regagna la capitale mosellane non sans avoir manifesté sa gratitude à l’égard du guide, chaleureusement applaudi.
Gérard COLOTTE