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Renaissance du Vieux Metz et des Pays Lorrains
Renaissance du Vieux Metz et desPays Lorrains

Jeudi 13 octobre 2022

Visite du vieux Nancy et Thorey-Lyautey

 

Sous la conduite de M. Philippe Wernert, notre guide de la matinée, nous avons remonté le temps en parcourant les rues chargées d’histoire de la ville vieille de Nancy, siège des ducs de Lorraine depuis la construction du 1er château au XIe s. Nous eûmes parfois l’impression de nous retrouver quelques siècles en arrière en cheminant dans ces petites rues et ruelles sinueuses, reliant de petites places. Il nous rappela que le nom de Nancy provient du petit hameau, situé à proximité du château initial et appelé dans un texte du IXe s., Nanceiacum. La visite commença par quelques propos d’ordre géographique, essentiels pour comprendre le lieu d’implantation de la ville, à l’écart de la Meurthe et entourée, au Moyen Age, de marais. Il prit soin de préciser que, sans l’action de l’Association Renaissance de la ville-vieille, dans les années 70 (à l’image de ce que fit RVM à Metz, à la même période), ce quartier historique faillit voir disparaître bon nombre d’immeubles, dont les plus anciens remontent au XVI e s.

 

Des premiers temps de la cité ducale, il ne reste rien, en effet, de ce passé lointain : le château dont une façade donnait sur l’actuelle place du colonel Fabien (ancienne rue des Dames) a été incendié en 1218 et reconstruit plus loin. Par contre, le plan d’ensemble n’a subi que peu de transformations : la ville vieille présente ainsi l’originalité d’une ville construite à partir d’un seul axe, la Grand-rue avec deux portes : au Nord – la porte de la Craffe datant de 1336 et qui se substituait à une plus ancienne porte, moins imposante, située à hauteur de l’actuel palais ducal et, au sud, la porte St –Nicolas, qui donnait autrefois sur l’emplacement de l’actuelle place Stanislas ; nous sommes loin des plans classiques d’une cité, croissant par auréoles concentriques autour d’un noyau originel. Une grande rupture urbanistique intervient sous Charles III, à l’extrême fin du XVIe s. lorsqu’il décide de bâtir une ville nouvelle, dans l’esprit du temps (plan en damier), mais avec l’intention d’en faire une véritable capitale ducale. Elle restait cependant séparée de la première ville dont les remparts ont été conservés jusqu’aux XVIIIe- XIXe siècles.

Nous pûmes admirer l’empreinte des ducs, notamment le palais ducal de style Renaissance, dû à René II et à son fils Antoine, avec sa célèbre Porterie, et dont une partie fut reconstruite au XIXe s., dans un style parfois discuté. Nous visitâmes rapidement la chapelle des Cordeliers avec les tombeaux de certains ducs et duchesses de Lorraine. Ph. Wernert évoqua l’action de la régente Chrétienne de Danemark (milieu XVIe s.) qui fit repousser l’enceinte occidentale afin de dégager une place (place de la Carrière que l’on ne vit que furtivement) pour les manifestations équestres  (joutes, tournois et autres activités équestres), bordée d’hôtels aristocratiques. Notre guide revint sur le projet du « petit Louvre lorrain » voulu par Léopold, au début du XVIIIe s.. Ce fut le début de la métamorphose de la façade sud du palais ducal, dont l’ébauche de palais fut démolie par Stanislas qui lui fit substituer – par E. Héré-, le Palais du Gouvernement ainsi que l’arcade faisant office de jonction entre les places de la Carrière et de St-Epvre. Ph. Wernert nous rappela l’action du curé Trouillet, à l’origine de la reconfiguration de ce secteur au XIX e. s. avec la reconstruction de l’église ? en la faisant pivoter de 90° Le même duc Léopold fit agrandir l’ancien hôtel de la Monnaie (dont il ne reste de l’ancien que deux avancées dans la rue de la Monnaie). Cet atelier monétaire fonctionna douze ans seulement, de 1725 à 1737 ; puis il servit jusqu’à la Révolution à la fabrication de jetons et de médailles avant de changer plusieurs fois fonctions et d’accueillir, en définitive, les archives départementales, récemment déplacées ; une opération de requalification du site est en projet.

 

Ce quartier historique de Nancy vaut aussi pour ses hôtels particuliers de la noblesse lorraine : l’Hôtel d’Haussonville (1528-1543) du nom de Jean III, sénéchal de Lorraine ; l’Hôtel de Lillebonne (rue du Cheval Blanc), joli édifice construit par Nicolas La Hiere pour Claude-de Beauveau-Craon, en 1580 ; l’Hôtel de Chastenoy (XVIe s.) argentier du duc Charles III (Grand-Rue) ; l’Hôtel du Change, occupé autrefois par les échevins de la cité (en vis-à-vis de l’église St Epvre). Mais c’est surtout Germain Boffrand qui mit ses compétences au service de grands personnages, ayant gravité autour de la famille ducale de Léopold ; nous vîmes trois de ses hôtels particuliers : rue du Haut-Bourgeois, l’Hôtel Ferrari (1722) du nom de Louis Ferrari, issu d’une famille italienne installée en Lorraine ; l’Hôtel Custine, place du colonel Fabien, construit pour Christophe de Custine, colonel du régiment des gardes du duc Léopold, conseiller d’Etat puis gouverneur de Nancy de 1729 à 1737 ; l’Hôtel des Loups, édifié à la demande du maître des chasses du duc Léopold, N. Fr. Hennequin, comte de Curel.

Notre guide nous remarquer qu’il n’y a pas de traces de constructions du XVIIe s., conséquence des conflits et du climat d’insécurité générale qui régnaient à Nancy ainsi que dans le duché.

Notre regard fut porté sur certaines curiosités de la ville vieille comme la Maison où fut déposée la dépouille de Charles Le Téméraire, au lendemain de se défaite du 5 janvier 1477 face à René II), avant d’être placée dans la Collégiale St-Georges et de gagner – dit-on – plus tard, Bruges où il reposerait aux côtés de sa fille. Autre curiosité, la rue Jacquard, qui porte – depuis 1867- le nom du peintre nancéien Claude Jacquard (1686-1736) ; construite au XIIIe siècle, son tracé n’a que très peu évolué, mais son appellation changea souvent : tour à tour, elle fut « rue Derrière » (elle servait de chemin de ronde longeant les remparts de la 2e enceinte de la ville), « rue des Juifs » , « rue Reculée » ou encore « rue des Suisses ». Autre rue au nom énigmatique : la rue du « Maure qui trompe », dont le nom proviendrait d’une enseigne où l’on jouait d’une trompette. Nous passâmes, Grand-rue, devant ce qui fut le 1er hôpital de Nancy. Les larges fenêtres de nombreux immeubles de cette rue rappellent qu’autrefois, elles étaient munies de meneaux, à la mode à la Renaissance mais que les propriétaires, à une époque plus proche de nous, avaient supprimées, pour ne pas avoir à payer de taxes sur le nombre de carreaux ! Un motif en forme de cœur vint rappeler que cette section de la Grand-rue était un lieu de rendez-vous pour galants. Il était hors de propos de revisiter entièrement l’histoire ducale de Nancy mais les deux heures passées en compagnie de notre guide -qu’il fallut suivre parfois à un rythme soutenu - ont permis de se faire une idée plus précise du visage qu’a pu présenter l’ancienne capitale ducale de Lorraine. Le groupe l’en remercia chaleureusement. 

 

Après un déjeuner fort apprécié au Domaine de Sion, nous nous rendîmes à la demeure du maréchal Lyautey, qualifiée parfois de château, à Thorey-Lyautey, petite commune de 120 âmes, où nous fûmes accueillis par M. Claude Jamati arrière petit fils de l’oncle paternel du maréchal (ainsi que président à la fois de la Fondation Lyautey et de l’Association Nationale Maréchal Lyautey) et par M. Alain Vauthier (son vice-président). M. Jamati se fit un plaisir de nous conduire sur les traces de son ancêtre, non sans débuter la visite par un long propos sur les problèmes qui se posèrent lors de l’héritage de Pierre Lyautey, légataire et neveu du maréchal. En effet, n’ayant pas d’enfant de par son mariage tardif en 1909 avec Inès de Bourgoing, Hubert Lyautey légua sa demeure par testament à son neveu, Pierre (fils de son frère cadet, Raoul Lyautey) avec comme condition d’entretenir l’édifice. Ce que fit ce dernier durant quarante ans, dans la mesure de ses moyens ; cependant, il décéda lui aussi sans héritier, en 1976 ; ne pouvant obtenir les aides nécessaires pour maintenir en l’état « le château », les nouveaux héritiers mirent en vente ses biens en 1980 ; c’est alors qu’intervint le colonel Geoffroy qui, à la tête de la petite Association Maréchal Lyautey (qu’il venait de fonder) et appliquant à la lettre sa devise, « on agit d’abord, on règle ensuite », fréquenta les salles de vente pour racheter, moyennant endettement initial, tous les objets possibles. Il consacra quarante ans de sa vie non seulement à restaurer la demeure mais aussi à faire revivre l’esprit du maréchal. M. Jamati ne tarit pas d’éloge sur ce grand militaire qui sauva, selon lui Thorey-Lyautey d’un oubli certain.

 

La visite et les commentaires de nos guides furent dominés d’abord par la personnalité et l’action du maréchal ; Lyautey fait partie de l’histoire coloniale de la France ; les principales dates et destinations de ce grand voyageur furent rappelées ; 1874 St Cyr, affectations en Afrique du Nord, en Autriche, en Italie, au Vatican, en Indochine, à Madagascar où il prit le gouvernement d’une région méridionale, en France. De ces périples lointains il en garda parfois des traces douloureuses sur le plan sanitaire (plusieurs opérations du foie) mais aussi et surtout, un attachement particulier au Maroc ; il garda des liens très forts avec ses souverains qu’il reçut régulièrement à Thorey. Il avait ses idées bien ancrées sur les relations qu’un officier devait entretenir avec ses hommes ; il les exprima dans la Revue des Deux Mondes (article du « rôle social de l’officier »), sous couvert d’anonymat. Mais, vite reconnu, en « disgrâce », il fut envoyé en Indochine. Il eut la chance d’y rencontrer le général Gallieni qui partageait ses idées et qui l’appela auprès de lui à Madagascar, lorsqu’il y fut nommé. Il gravit peu à peu tous les échelons de la hiérarchie militaire avant de devenir général en 1903 puis, à titre honorifique, maréchal en 1921. Lyautey est surtout connu pour avoir été le résident général de France au Maroc, à la suite du traité de Protectorat de la France sur ce territoire, en 1912 ; il le resta jusqu’à sa démission en 1925, nonobstant une courte période (1916) qu’il passa comme Ministre de la guerre. Il fut académicien.

M. Jamati mit en avant la présence de « l’oncle Hubert » en Lorraine. Il avait un pied à terre à Nancy mais résidait surtout à Thorey, qui adjoignit le nom du maréchal à celui de la commune en 1936. Il s’y installa dès 1925 dans un petit pavillon légué par une de ses tantes et qu’il contribua à agrandir et à réaménager à partir de 1922. C’est là qu’il vécut jusqu’à sa mort le 27 juillet 1934, si l’on excepte ses déplacements imputés à sa nomination comme commissaire général de l’exposition coloniale de 1931 à la Porte Dorée, à Paris.

 

Nous prîmes par précaution – on nous annonçait une pluie imminente qui eut la grâce de nous épargner durant tout le temps de la visite- , des photos de groupe, au fond du parc, près de quelques restes du mausolée que le maréchal s’était fait construire à Rabat ; c’est là-bas que son corps reposa jusqu’en 1961, date à laquelle ses restes furent rapatriés aux Invalides.

M. Jamati, en bonne connaissance de « son oncle Hubert », nous fit entrer dans l’intimité du maréchal dans sa nouvelle demeure lorraine car la maison héritée de ses parents, située à Crévic, fut pillée et incendiée par les Allemands en août 1914. Les deux heures passées défilèrent tant les nombreuses anecdotes enrichissantes venaient faire revivre chacune des pièces visitées, notamment le bureau (Lyautey écrivait sans cesse), la bibliothèque, la salle Lorraine, salle d’attente des visiteurs qu’il prenait plaisir à observer depuis un moucharabié à l’étage avant de les rencontrer, et, bien évidemment, le salon marocain, au second étage, aménagé dans les combles ; il y recevait régulièrement ses hôtes du Maroc, notamment le sultan Moulay Youssef, son fils, le futur roi Mohammed V et son jeune petit fils, Hassan (Hassan II). Cette pièce tenait particulièrement à cœur au maréchal qui était « tombé amoureux du Maroc » comme sa femme, très engagée en tant qu’infirmière jusqu’à ses derniers instants en 1953 et qui décéda, au demeurant, à Casablanca (inhumée aux côtés de son mari à Rabat, son corps fut rapatrié au cimetière de Thorey-Lyautey en 1961).

Au passage, nous pûmes voir la chambre et le lit où décéda le maréchal, la petite remise servant de bibliothèque, où certaines nuits, le maréchal se levait pour y chercher quelques lectures, sans oublier le salon Indochine contenant des souvenirs de son passage dans cette colonie.

La porte arrière s’ouvrait sur le grand escalier. Autrefois porte d’entrée « officielle » mais toujours fermée en attente des travaux de réfection, elle donnait accès au parc où les officiels arrivaient souvent à cheval. L’escalier présente la particularité de disposer d’une rampe achetée dans le château voisin de Vandeléville et qui servit de gabarit pour installer les marches.

 

La fin de la visite fut consacrée à la question des travaux de restauration ; si le soutien de la Fondation du Patrimoine a permis de restaurer le toit et les fenêtres du second étage, le financement fait actuellement défaut pour achever les travaux extérieurs et intérieurs ; l’état de délabrement des tapisseries du salon marocain est là pour en témoigner.

 

Au passage M. Jamati remercia vivement les 300 membres de son association dont les dons permettent au château de fonctionner et d’accueillir des visiteurs. Mais son ambition va au-delà : il souhaiterait faire revivre la demeure en accueillant des historiens, des scolaires, en organisant des colloques, en résumé, mieux faire connaître le château, afin de perpétuer la mémoire du maréchal. Souhaitons lui pleine réussite à tous ses projets.

 

Gérard Colotte