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Renaissance du Vieux Metz et des Pays Lorrains
Renaissance du Vieux Metz et desPays Lorrains

Jeudi 29 septembre 2022 

Visite de Notre-Dame-de-Bonsecours à Nancy et du château de Lunéville

 

Stanislas Leszczynski, dernier duc de Lorraine (1737-1766), servit d’alpha et d’oméga aux deux visites de la journée ; s’il entreprit dès son installation à Nancy, la reconstruction de l’église N-D de Bonsecours (1738-1741), c’est à Lunéville, le 23 février 1766, qu’il décéda dans son château ducal, au terme d’une longue agonie, suite aux brûlures occasionnées par sa robe de chambre qui prit feu accidentellement devant la cheminée de sa chambre, au moment où il voulut raviver la flamme. Il avait alors 88 ans. Petit retour sur une journée riche en informations.

 

La matinée fut consacrée à la découverte de l’église Notre-Dame de Bonsecours à Nancy (on devrait plutôt écrire Notre Dame à Bonsecours) pour la visite de laquelle nous nous répartîmes en deux groupes. Nos deux guides de l’Office du tourisme de Nancy (Mme Odile Franiatte et M. Jean Harbonville) nous ont fait partager non seulement leurs connaissances étendues des lieux mais leur passion pour ce que représente ce lieu de culte marial, pour la ville, pour l’ancien duché et pour les polonais établis aujourd’hui en la cité et qui peuvent assister à un office spécialement réservé, le dimanche matin. Car l’église (actuelle) a été construite par le duc Stanislas, dès son arrivée au trône ducal en 1737 sous l’égide de son architecte Emmanuel Héré en style baroque. L’ensemble fait 37 m de long, 8 m de large et 18 m de haut. Les guides nous rappelèrent d’emblée le contexte de la construction : la volonté ducale avait pour finalité de remettre à l’honneur le culte de la Vierge, si importante dans son ancien royaume de Pologne (dont il fut déchu). Il fut placé sur le siège ducal lorrain par la volonté de son gendre – Louis XV- qui avait épousé sa fille, Marie Leszczynska en 1725 et qui avait imposé à sa beau-père, mis en lieu et place de François III de Lorraine devenu empereur du Saint Empire, la cession du duché à la France à sa mort, mort espérée proche mais qui prit du temps…. En démontant ce qui restait de la chapelle d’origine bâtie par René II, et déjà consacrée à Notre-Dame à Bonsecours, au lendemain de sa victoire sur Charles le Téméraire en janvier 1477, il s’attira les foudres des Nancéiens, furieux de voir leur nouveau souverain, méconnu en 1737, détruire leur ancien lieu de pèlerinage, qui avait pourtant beaucoup souffert du siècle des malheurs (XVIIe). L’église devint le tombeau des Stanislas ; le duc commanda à N. S. Adam (sa famille jouissait d’une grande réputation à Nancy) le tombeau de sa femme Catherine Opalinska, décédée en 1747. Louis XV s’adressa à C. L. Vassé pour réaliser le tombeau du duc au lendemain de sa mort en février 1766 ; l’œuvre fut cependant achevée par F. Lecomte. Si le 1er tombeau fut en tout point remarquable, celui du duc n’eut pas la même élégance que le précédent. L’église reçut également le cœur embaumé de Marie Lecszynska, dans une urne qui fut profanée à la Révolution et disparut à jamais. Les deux tombeaux sont placés dans le chœur, de part et d’autre de l’autel.

 

La découverte des lieux nous permit d’admirer ce qui restait de la chapelle d’origine, notamment la statue de la Vierge, rehaussée dans une niche spécialement aménagée en hauteur, avec éclairage zénithal au fond du chœur afin d’être mieux vue des fidèles (19e s.). De part et d’autre de celle-ci, deux vitraux commandés par l’impératrice Eugénie en 1868 mais réalisés par l’atelier du verrier messin Laurent Charles Maréchal ; ils représentent le mariage de la Vierge et la présentation de Jésus au Temple. La luminosité de l’ensemble de l’église est due aux sept vitraux de la nef posés en 1904, œuvre du peintre verrier Joseph Janin. Chaque vitrail comporte un médaillon illustrant une scène de l'histoire de l'église de Bonsecours. On remarque au-dessus de l'entrée du chœur des drapeaux turcs, capturés par Charles V de Lorraine (père de Léopold) à la bataille de Saint-Gothard (1664). Les confessionnaux sont dus à Eugène Vallin (1889) et représentent, l’un, l’Ancien Testament, l’autre, le Nouveau testament. Leur style est qualifié d’Art Nouveau « chicorée ».

 

Nous avons pu admirer la remarquable chaire très ouvragée et d’un travail délicat, reposant sur un support fait de 4 branches se terminant par les symboles des évangélistes ; à remarquer l’abat-voix soutenu par deux palmiers (symboles des martyrs chrétiens) qui se courbent et forment une console ; des grilles possiblement dues à Jean Lamour, sont également conservées ; le plafond de la nef, entièrement peint en trompe l’œil par Joseph Gilles dit « le Provençal » en 1742, représentent l’Annonciation, l’Assomption et l’Immaculée-Conception.

 

L’église est un véritable livre d’art, marqueur de toutes les époques vécues depuis l’origine jusqu’au 20e s : ne pas oublier l’ex-voto de la ville en remerciement de l’action du général de Castelnau pour avoir bloqué les Allemands lors de la bataille du Grand Couronné, en août 1914. L’église a toujours été un haut lieu de dévotion à la Vierge à l’occasion de grands événements qui ont marqué la vie de la cité aux XIXe et XXe s. 

 

Le programme initial de l’après-midi, consacré entièrement au château de Lunéville, prévoyait un temps de visite paysagère du jardin et du parc des bosquets. La volubilité et la densité des propos tenus par notre guide, M. Thierry Franz, conservateur du musée du château, (il prépare sa thèse sur ce dernier) ne laissèrent guère de place à quelques instants de pause ; le groupe ne lui en tint pas rigueur tant les explications furent nourries et enthousiasmantes. Comme dans la matinée, le groupe fut scindé en deux : pendant qu’une partie suivait M. Franz, une autre accompagnait sa jeune collaboratrice au musée, situé dans l’ancienne aile des communs (à gauche de la cour d’honneur) ; après un certain temps de visite, les deux groupes permutèrent.

L’intérêt majeur de notre visite et nous remercions chaleureusement M. Thierry Franz de nous l’avoir permis, fut de voir non seulement les parties restaurées à l’issue du grand incendie de 2003 qui a ravagé la chapelle ainsi que les appartements du duc et de sa femme, mais aussi de voir l’état de délabrement de ces pièces et la vision de ce que sera le château dans un avenir, à ses dires, assez lointains, vu l’ampleur et le coût financier de la tâche.

 

M. Th. Franz nous a fait revivre le château lors de son heure de gloire, dans la première moitié du 18e s. ; reconstruit par Germain Boffrand sur commande du duc Léopold, de 1702 à 1723, parce que le palais ducal nancéien ne cessait d’être occupé par les troupes françaises, le château devint le centre politique du duché et la demeure des trois derniers ducs jusqu’en 1766 ; c’était un lieu public où les courtisans assistaient chaque matin au lever du duc et de la duchesse, chacun dans sa propre chambre. En réalité, le couple passait la nuit ensemble, mais au petit matin, par une porte dérobée, dont M. Franz nous indiqua l’emplacement derrière des panneaux de bois, le duc retournait dans sa chambre d’apparat pour le lever officiel. D’où la salle de garde à l’entrée de l’aile des appartements ducaux, afin de sécuriser les lieux (aujourd’hui, hall d’entrée du château). A travers les différentes pièces, non ouvertes au public d’aujourd’hui, mais que nous avons pu traverser, M. Franz insista sur la modernité du couple ducal (Léopold et Elisabeth Charlotte) qui entendaient veiller à l’éducation de leurs enfants, connaître une vie de famille en toute simplicité, hors de toute étiquette princière. Nous pûmes voir la fameuse salle à manger où la famille soupait autour de la « table volante », lui garantissant ainsi son intimité ; la duchesse manifestait un goût prononcé pour la cuisine (son moule pour pâté de lapin en témoigne) et pour le jardinage qu’elle pratiquait personnellement à quelque distance du château. Elle cultivait son propre potager.

Stanislas apporta quelque retouche au château grâce à Emmanuel Héré (Rocher aux automates, Chartreuse et Maisonnettes au fond du parc pour la marquise de Boufflers et les courtisans, par exemple), mais ne modifia pas le décor ; il mena une vie plutôt princière et centrée sur les sciences, les arts et la culture d’une manière générale, faisant de Lunéville, un pôle d’attraction incontestable. Il est considéré comme un prince philosophe et mécène des Lumières. Voltaire par exemple y séjourna.

 

La visite de la partie musée du château nous permit de mieux nous familiariser avec la famille ducale à travers une série de tableaux ; en premier lieu le duc Léopold dit « Léo » et sa femme Elisabeth Charlotte, son épouse, appelée familièrement « Lolotte ». Leur amour réciproque se concrétisa par la naissance de 14 enfants mais 10 décédèrent jeunes ; le destin des quatre survivants nous fut conté à travers leur portrait. Nous pûmes voir l’unique aquarelle peinte par Stanislas, et représentant Charles-Joseph d’Alsace de Hénin Liétard. Sans oublier ce qui fit l’émerveillement des visiteurs du château au XVIIIe s., à savoir la composition picturale représentant le « Rocher aux automates », face à la Vezouze, aujourd’hui disparu.

La visite s’acheva, pour chacun des deux groupes, par le visionnement des restitutions numériques en 3D de ce que fut le château auparavant et certains projets des restaurations envisagées. Un mot nous fut glissé sur la refonte complète de la cour d’honneur, par laquelle on pénètre au château aujourd’hui mais projet encore à l’état d’ébauche.

 

Notre connaissance de cette dernière période du duché de Lorraine a été ainsi confortée et rendue plus concrète et intime grâce aux anecdotes et présentations faites par nos guides que nous remercions.

 

Gérard Colotte