Sortie "Art Nouveau" à Nancy
La villa Majorelle
La matinée débuta par la visite de la villa Majorelle où le groupe fut accueilli et conduit par deux guides. Elles se sont attachées, en un temps malheureusement trop
court, de nous faire découvrir ce témoin majeur de l’Art Nouveau à Nancy (propriété de la ville de Nancy depuis 2003), restauré très récemment, en recherchant l’état dans lequel il pouvait se
présenter lorsque L. Majorelle (1859-1926) le fit construire en 1901-1902; difficile dès lors de tout résumer ; signalons que nous nous attardâmes dans quelques lieux significatifs (entrée, cage
d’escalier, salle à manger, salon, terrasse) avant de terminer par quelques pas à l’extérieur. Les guides insistèrent sur les nouveautés que L. Majorelle avait voulu introduire dans sa demeure, qui
était aussi son atelier et un lieu d’exposition. Des artistes spécialistes dans leur domaine collaborèrent : Henri Sauvage, parisien d’origine (l’architecte de la villa), Jacques Gruber
(vitraux), le peintre Francis Jourdain, le céramiste Alexandre Bigot. Autre approche abondamment développée : l’ornementation et le mobilier, avec l’omniprésence de végétaux comme la monnaie du
pape, le blé et les pommes de pin, le recours aux formes courbes, les essences de bois utilisées pour le mobilier, dont certaines pièces avaient pu être rachetées par l’Ecole de Nancy, l’originalité
et donc la rupture avec les décors plus classiques des demeures du XIXe siècle. Nous vîmes quelques pièces remarquables comme la cheminée de la salle à manger (publiée dans le catalogue de 1904) due
à Alexandre Bigot. Elle évoque les flammes et la lave en fusion. Le salon se révèle être un lieu de vie intime, que L. Majorelle dû réaménager après un bombardement allemand de 1916 (grande
verrière). Autre mobilier rare : le lit conjugal en bois clair (palissandre, frêne du Japon), racheté à Monaco dans les années 80 ; pièce unique non destinée à être dupliquée, il témoigne,
à sa manière, d’une évolution de l’Art Nouveau vers une stylisation des formes où nacre incrustée et bronze soulignent finement les contours courbes qui évoquent le sommeil et le rêve ; la
nature y est simplement évoquée pour un espace d’intimité.
Si certains espaces ont perdu leur fonction d’origine (à l’emplacement de la cuisine est installée la billetterie), par contre, l’une des restaurations récentes a
permis de rétablir la terrasse (3e niveau) où travaillait L. Majorelle, lieu qui avait du être modifié après le bombardement de1916.
De l’extérieur, il nous était difficile d’apprécier l’élévation des façades à sa juste valeur, faute de recul ; si à l’origine, la villa se trouvait au cœur d’un
vaste domaine dans une zone de prairie et de verdure quelque part entre Nancy, Laxou et Villers, celui-ci fut partagé en lots et affecté à des opérations de lotissements ; quant à la villa
elle-même, elle fut vendue en 1931 aux Ponts et Chaussées qui la dénaturèrent quelque peu.
Le quartier de la villa Majorelle
La seconde partie de la matinée fut consacrée à la découverte du quartier alentour, sous la conduite de M. Philippe WERNERT, co-président de l’association GAREN
Il nous présenta, dans sa diversité, un quartier nouveau (rue des Goncourt, avenue Foch, passage Marceau, rue Palissot…) qui émergea fin XIXe et début XXe siècle, sous
l’effet de l’augmentation de la population nancéienne, conséquence de l’Annexion de l’Alsace-Moselle. De chaque côté des rues nouvelles furent bâtis soit des lotissements soit des immeubles plus
personnalisés. De nombreux édifices Art nouveau égrenèrent alors le quartier, sans avoir le même lustre que la villa Majorelle. Victime de bombardements allemands (Gros Max) durant la 1ère guerre,
certains édifices furent reconstruits en s’inspirant de l’Art Déco, nouveau style à la mode dans les années 20. Délaissant l’exubérance végétale de l’Art Nouveau, les artistes (architectes, verriers,
ferronniers, etc), s’attachaient, entre autres, à un dépouillement des volumes avec des formes géométriques et un recours au béton, une simplicité dans l’ornementation, traduite par une stylisation
des motifs décoratifs. L’avenue Foch nous offrit à voir deux beaux immeubles représentatifs de cet art.
Le Passage Marceau (ruelle), ouverte en 1893, desservait des bains publics – aujourd’hui disparus- qui connurent leur heure de gloire, des panneaux – encore visibles-
annonçant les prestations proposées. A travers le plus vieux vestige conservé à Nancy, la tour de la Commanderie, érigée en 1140 par l’ordre de St Jean du Vieil Aître – ordre de moines/soldats-, M.
Wernert fit un rapide panorama des mutations des lieux : du temps de la Commanderie qui comportait également une ferme, de la tour qui aurait pu disparaître si l’avenue Foch avait été prolongée.
Cette ferme (donnant sur l’actuelle rue St Lambert) fut transformée en écuries et aujourd’hui en immeubles d’habitation ; la chapelle, jouxtant la tour devint une cartonnerie au XIXe et de nos
jours, des appartements…
La balade fut agrémentée de quelques anecdotes, certaines savoureuses, comme l’achat du domaine par Louis Majorelle à Mme Kretz, sa propre belle-mère. La villa reçut
d’ailleurs le surnom de Jika, contraction de Jane Kretz (1864-1912), épouse de Majorelle. Au coin des rue de Laxou et St Lambert, il fallut lever le nez pour apercevoir deux têtes sculptées en
façade, celles de Pierre de Blarru, ecclésiastique et conseiller du duc René II, connu pour être l’auteur de la Nancéide, long poème relatant les relations agitées entre le duc, René II, et Charles
le Téméraire, notamment la bataille de Nancy, perdue par ce dernier le 5 janvier 1477. René II avait établi alors son QG dans la tour de la Commanderie La seconde sculpture, côté rue St Lambert,
n’est autre que celle de J.-F. de Saint Lambert (1716-1803), nancéien d’origine, grand ami de Voltaire et amant successivement de la marquise de Boufflers et de la marquise Emilie du Châtelet…
Après ce cheminement, il est apparu comme une envie d’y retourner et de prendre son temps pour découvrir davantage de réalisations, demeurées dans l’ombre de sites
plus touristiques de l’ancienne cité ducale…
Gérard Colotte